Histoire :

Il y a des choses que Bon Guk ne veut pas que l'on sache de lui. Des choses qui , d'après lui, feraient mieux de rester enterrer à tout jamais, six pieds sous terre, tout au fond de son coeur. Un lourd fardeau qu'il n'est pas nécessaire de porter en public. Une blessure qu'il recouvre de multiples pansements. Une blessure qui cicatrise difficilement. Il n'en parle jamais. De ce passé sombre, de ce passé honteux. De tout ce qu'il s'est passé sur son île natale de Jeju. Il n'en parle jamais. Parce que ce qui est arrivé sur Jeju, doit rester à Jeju. Douloureuse blessure, douloureux souvenirs que ceux d'un enfant écorché à vif par la vie impitoyable. Un enfant qui a vécu longtemps dans l'ombre d'un père meurtrier.

Dans la réserve du petit café familial, les images lui reviennent alors en tête. Il se souvient, les larmes lui montent ainsi aux yeux. Il pose le carton qu'il devait prendre, il s'accorde une pause. Et il se souvient. De Jeju, de son île qu'il aime autant qu'il déteste. Des fleurs autour de sa petite maison. Des tags sur sa porte, chaque jour, toujours les mêmes. "Famille de meurtriers" "Dégagez!"
"Vous polluez l'air de Jeju" "mourrez!" Cette nausée inévitable qui se forme en lui quand il revoit sa mère en train de nettoyer les tags pour la énième fois de la semaine. Les mains de sa tendre maman, mains rouges et calleuses, des mains qui ont soufferts autant qu'elle a souffert. Tout ça pour protéger son petit trésor, son petit BonGuk qu'elle aime tant.

Bon Guk se souvient aussi de l'école, des cours. Des coups sur son corps. Des mauvaises blagues et des mauvais traitements qu'il a longtemps subi. Il se rappelle du pipi sur sa chaise. C'est comme si l'odeur âcre de l'urine lui remontait de nouveau jusqu'aux narines. Et puis, il y avait aussi les écritures rouges sur son bureau. Les rires sur son passage. Toute une méchanceté injustifiée. Tout ça parce qu'il était un paria. Un fils de meurtrier. Tout ça parce qu'on croyait qu'il allait devenir meurtrier à son tour. Tout ça parce que le meurtre était dans ses gênes d'après eux. Le jeune garçon hoche la tête, ça n'est plus possible maintenant. Personne ne sait alors personne ne peut plus rien dire.

Il a bien failli en finir Bon Guk. Il a bien failli se passer la corde autour du cou tellement la vie a été chienne avec lui. Heureusement, quelque chose l'a maintenu la tête hors de l'eau. Une passion qui le fait vibrer encore aujourd'hui. La danse. ça, c'est vraiment quelque chose qui coule dans ses veines. Il se souvient alors des longues heures passées à danser, reproduire les chorégraphies devant son miroir. Il est doué. Il a du talent. Il veut montrer son talent au monde.

A 15 ans, il suit sa mère qui a vidé toutes ses économies pour s'installer à Séoul et laisser le passé sombre derrière eux, à sa place à Jeju. Ici à Séoul, personne ne sait qu'ils sont de la famille du meurtrier qui a violé et tué une dizaine de femmes sans mobile précis. Personne ne sait et c'est mieux comme ça. 2 ans après son déménagement, Bon Guk parvient à intégrer une école de danse assez réputée. Seulement, il doit travailler dans le café familial, appartenant à sa tante et où sa mère travaille aussi, pour pouvoir payer ses études.

Voilà où il en est maintenant. Il travaille dur pour espérer passer des auditions et décrocher son ultime rêve.

Danser devant le monde entier.